Les statues de Cujas

Tout au long du xixe siècle s’est développé le culte des « grands hommes », dont les statues ont, sur un rythme croissant, peuplé l’espace public ouvert ou clos, le premier étant le plus significatif par l’importance visuelle accordée aux personnages statufiés. Maintes effigies d’hommes politiques, d’écrivains, de militaires, etc. et celles d’un petit nombre de jurisconsultes, parmi lesquels Cujas — dont quatre effigies sont ici présentées — ont ainsi été érigées en place publique ou à l’intérieur de bâtiments publics.

Toulouse

1837-1942

Les grands hommes sont souvent célébrés dans leur ville natale ; en dressant une statue à Cujas, Toulouse respecta la tradition. Toutefois, la municipalité toulousaine ne célébra son enfant qu’après divers aléas. Si le sculpteur Achille Valois reçut une commande en 1828, ce n’était pas pour célébrer l’« oracle du droit » né dans les murs de la Ville rose en 1522, mais pour rappeler l’expédition des troupes françaises en Espagne, en 1823, afin de rendre son trône à Ferdinand VII. Lorsque la Révolution de 1830 éclata, l’œuvre était à l’état de maquette et, sous le roi-citoyen, il ne pouvait être envisagé de la mener à son terme (de même, Toulouse substitua une statue de Riquet à celle de Louis XIII). D’âpres tractations s’engagèrent alors entre le sculpteur, qui n’avait pas été payé, et la Ville, qui lui suggéra de concevoir un autre monument dédié, successivement, à Clémence Isaure, à la France de 1789, aux deux révolutions de 1789 et 1830, enfin à un grand homme. Surgirent alors les figures de Pierre Fermat et de Jacques Cujas, qui l’emporta en décembre 1834 ; quant au mathématicien, il fut statufié à Beaumont-de-Lomagne (Tarn-et-Garonne) en 1882.

Achille Valois acheva la maquette de la statue de Cujas en 1837 et l’exposa au Salon de 1838. Selon le professeur Osmin Bénech, il représenta Cujas « dans la force de l’âge et à une époque correspondant à son second professorat de Bourges ou de Valence » (Revue de législation et de jurisprudence, 1851). En pied, Cujas semble regarder un invisible auditoire d’un air pensif. Sa longue barbe aux poils ondulés lui descend jusqu’à mi-poitrine, d’un seul tenant et non divisée en deux pointes comme sur certains de ses portraits peints. Il porte une soutane serrée par une large ceinture et une ample simarre, est coiffé d’un « bonnet à cornes » — le sculpteur savait peut-être que « pendant qu’il faisait ses lectures publiques, Cujas restait couvert de son chapeau ». Il prend appui sur sa jambe gauche, la droite étant pliée car le pied repose sur une pile de livres ; sur la cuisse, faisant office de support, repose un énorme volume ouvert — position assurément incommode ; il serre quelques pages entre le pouce et l’index de la main droite, et, de la main gauche, il esquisse un geste. La très courte notice du Salon de 1838 dit : « Il [Cujas] commente et explique les textes des lois romaines. »

L’œuvre de bronze ne fut inaugurée que sous la Deuxième République, le 8 décembre 1850 ; sans être très fréquents, de tels délais entre l’achèvement de la maquette, l’exposition, la fonte en bronze et l’inauguration ne sont pas non plus exceptionnels. L’effigie de Cujas fut la première statue d’un grand homme érigée en place publique à Toulouse. Un hommage sculpté avait bien été rendu, en 1833, au général Dominique Martin Dupuy, ainsi qu’« aux braves de la 32e demi‑brigade [de l’armée d’Italie] », mais ce général avait été représenté seulement en bas-relief sur le piédestal de pierre d’une haute colonne de fonte, surmontée d’une Gloire, placée au centre d’un bassin.

L’emplacement choisi pour la statue, qui fut orientée en direction de la cour d’appel, fut la place dite de « la Viguerie » ou de « la Monnaie », avant d’être ultérieurement légèrement déplacée et de se trouver tournée dans la direction opposée. Mesurant 1,70 m (Inventaire général des richesses d’art de la France [Province]), la statue fut posée sur un piédestal différant d’un simple parallélépipède grâce à une corniche ; entièrement nu, sans éléments décoratifs ni bas-reliefs, ce piédestal frappe par son austérité. L’inscription est un modèle de concision : « Jacobo Cujacio / Tolosano » ; les dates de la naissance et de la mort de l’intéressé n’y figurent pas, ce qui est plutôt inhabituel. On ne grava pas non plus dans la pierre la longue liste des écrits de Cujas ou quelques citations extraites de ses œuvres. Le monument fut entouré d’une grille, pratique usuelle à l’époque. Pour certains spécialistes de la statuaire publique, il s’agissait d’établir une séparation entre l’espace profane et l’espace sacré, le petit bout de terrain occupé par tel ou tel monument, ainsi transformé en une sorte d’autel. On peut aussi, plus prosaïquement, penser que les municipalités voulaient empêcher les intrus d’approcher des statues pour les dégrader ou les mutiler. Quel qu’ait été le véritable motif de l’installation de la grille autour de la statue de Cujas, elle remplit mal son rôle car une carte postale envoyée le 4 mai 1910 montre la face avant du piédestal entièrement recouverte par une affiche politique commençant par les mots « Aux socialistes » et offrant à la lecture un texte de Jean Jaurès.

La cérémonie de décembre 1850 avait été primitivement prévue de telle sorte que les personnalités conviées devaient se réunir devant la cour d’appel. Mais, le 5 décembre, un dénommé M.-J. Dufour fit observer dans le Journal de Toulouse que la saison ne se prêtait guère « à choisir pour point de rendez-vous le pavé froid et humide de la rue » et que, d’ailleurs, « la haute renommée de Cujas » exigeait « un plus grand appareil », un cortège et l’installation d’estrades. Que ce fût ou non à cause de cette critique, le programme fut modifié : les membres de la municipalité, en écharpe, ceux de l’académie des Jeux floraux, de l’Académie des sciences, le recteur, le corps des universitaires, les députations des magistrats de la cour d’appel et du tribunal de première instance se retrouvèrent au Capitole et partirent en cortège en direction de la place de la Viguerie — où le préfet les rejoignit directement — précédés du corps de musique militaire, d’un détachement de pompiers et de troupes de ligne. La statue ayant été dévoilée, l’adjoint au maire, M. Petit prononça, « dans un langage simple et convenable », un discours rappelant les principaux épisodes de la vie de Cujas et soulignant « l’influence de ses œuvres sur la science du droit » (Journal de Toulouse, 9 décembre). La foule ayant chaleureusement applaudi, le cortège repartit pour le Capitole « en passant par la rue où était né l’illustre jurisconsulte et qui porte son nom, dernier hommage rendu à la mémoire d’une des plus grandes illustrations de Toulouse ».

Au regard des pratiques de l’époque, cette inauguration manqua de grandeur, ce qui tint à la volonté des organisateurs d’en faire une cérémonie exclusivement municipale, au grand dam d’Osmin Bénech. La décision des édiles excluait la venue de ministres et de membres de la Cour de cassation, alors que souvent des personnalités étrangères à la ville étaient conviées aux inaugurations. Plusieurs orateurs, jusqu’à six ou sept, voire plus, se succédaient (neuf pour Poussin aux Andelys en 1851) ; des fêtes de deux ou trois jours voyaient se succéder banquets et bals ; on tirait un feu d’artifice, les indigents recevaient des aliments ou une somme d’argent. Rien de tout cela pour Cujas qui ne mobilisa que des Toulousains, pour une demi-journée, et n’eut droit qu’à un seul discours prononcé par un adjoint et non par le maire, François Sans.

Inaugurée chichement, la statue de Cujas put être ultérieurement connue dans toute la France grâce à certains supports. Elle est mentionnée, sans illustration, par le Guide du voyageur en Europe publié en 1860, sous la direction d’Adolphe Joanne. En 1878, Le Tour de la France par deux enfants de G. Bruno, pseudonyme de Mme Fouillée, réserva environ une page à Cujas. Dans ce célèbre livre de lecture pour élèves du cours moyen, maintes fois réédité, lorsqu’André et Julien Volden arrivent à Toulouse, Julien prend son livre consacré aux grands hommes de la France et lit un long passage relatif à Cujas se terminant par ces lignes : « Les travaux de Cujas ont été fort utiles aux progrès de la science du droit en France, et à celui des bonnes lois. Encore aujourd’hui on étudie avec admiration ses savants ouvrages. On lui a élevé une statue à Toulouse sur une des places de la ville, devant le palais du tribunal où se rend la justice. » Une petite gravure en noir et blanc reproduit assez exactement l’œuvre d’Achille Valois, la position de la main gauche étant toutefois modifiée. Ultérieurement, la statuaire publique devint une thématique importante de la carte postale, ce genre iconographique de communication dont l’âge d’or commença en 1895. Divers éditeurs spécialisés, dont au moins deux maisons toulousaines, mirent en circulation des cartes représentant la statue de Cujas photographiée sous divers angles.

1942-2019

Plus ou moins bien protégée par sa grille, la statue de Cujas coula des jours tranquilles durant environ 90 ans, avant d’être victime de l’État français et du décret du 11 octobre 1941, « exécuté comme loi d’État », relatif à la « récupération des métaux non ferreux » qui devaient, en principe, servir à l’agriculture et à l’industrie françaises, mais qui, en réalité, alimentèrent l’économie allemande. La commission départementale chargée d’établir la liste des statues devant être refondues — car ce ne furent ni les Allemands, ni les nazis qui opérèrent ces destructions, mais bel et bien l’administration française — n’épargna pas l’effigie de Cujas qui figura sur la liste des onze statues condamnées retirées en janvier 1942, dont quatre statues de grands hommes (outre Cujas, Jean Jaurès, le félibre Auguste Fourès et l’écrivain Armand Silvestre). Pesant 1 180 kg, la statue de Cujas fut retirée par l’entreprise Nadal et, comme le métal était acheté aux villes à raison de trente francs le kilo, l’État dut à Toulouse la somme de 35 400 francs, qui lui fut bien versée comme le confirme Daniel Cauchy, auteur d’un important travail en cours sur la refonte des statues sous Vichy. Il était aussi prévu que certaines statues pussent être remplacées par une œuvre de pierre ; on faisait alors un moulage de la statue de bronze pour en conserver le modèle. D’après Pierre-Louis Boyer, c’est sur les instances de l’académie de législation de Toulouse — dont le secrétaire perpétuel était alors le professeur Étienne Perreau — que l’œuvre d’Achille Valois fut moulée. L’opération fut accomplie par Henri Giscard, directeur d’une fabrique d’ornements en terre cuite, fondée par son grand-père en 1855, et professeur de céramique et de moulage à l’École des beaux-arts de Toulouse.

Cependant, le sculpteur Albert de Jaeger ne s’inspira pas de ce moulage pour sculpter un Cujas de pierre qui fut placé, entre 1945 et 1950 (la date reste à préciser), sur le piédestal de 1850 qui n’avait pas été retiré. Saisi dans une attitude assez hiératique, Cujas, haut de 2,40 m, est représenté en pied. Vêtu et coiffé de la même manière que sur la statue d’Achille Valois, il se tient assez raide et semble tendre ses deux bras, pliés au niveau du coude, en direction d’auditeurs ; ce geste fait pendre les larges manches de sa simarre, ce qui provoque un effet visuel assez curieux. Sur une carte postale de la collection France Debuisson (Musée d’Orsay) représentant cette statue, la grille qui entoure le monument n’est plus celle qui avait été mise en place au milieu du xixe siècle ; à une date inconnue, cette dernière fut remplacée par une grille de conception plus moderne, sans les piques agressives qui hérissaient la précédente sur tout le pourtour.

Cette statue fut remplacée en 1990 ; peut-être fut-elle retirée avant cette date, mais elle était encore en place en 1982, date à laquelle la virent les membres de l’équipe du Musée d’Orsay chargés de relevés sur le terrain. On lui substitua une statue de « bronze résine » réalisée par l’Atelier de restauration de la ville de Toulouse, qui fut gravement mutilée en 1994 par des « potaches de la Basoche », dit Pierre-Louis Boyer. Ces vandales arrachèrent la tête et une main et tracèrent l’inscription : « Que crève cette vhermine (sic). Merlin l’enchanteur. » Pour aussi affligeantes que soient de telles dégradations, elles ne sont pas non plus exceptionnelles et ne s’expliquent pas toujours par des motifs idéologiques ou politiques. L’Atelier de restauration remplaça les éléments manquants. Abîmée par la pollution, la statue connut en 2018-2019 une seconde restauration qui coïncida avec les travaux de réaménagement de la place du Salin, dans laquelle est englobée l’ancienne place de la Viguerie, et les travaux d’embellissement de la cour d’appel, vers laquelle Cujas est de nouveau tourné, conformément au vœu dont les chefs de cours firent part au maire de Toulouse, Jean-Paul Moudenc. Lors de l’inauguration de la nouvelle place, la statue fut elle-même réinaugurée et, pour la circonstance, on la recouvrit non d’un voile blanc, couleur usuelle dans ce genre de cérémonie, mais d’un voile rouge vif, ce qui peut étonner au regard de la couleur politique de cette municipalité. Alors que les grilles qui entouraient autrefois les monuments ont généralement été retirées, le monument à Cujas reste aujourd’hui en quelque sorte encagé dans les grilles déjà visibles sur la carte postale de la collection Debuisson.

Bourges

Si les grands hommes sont statufiés dans leur ville natale, les plus célèbres d’entre eux possèdent souvent au moins une seconde statue soit à Paris, soit dans une autre ville où ils s’étaient fait connaître par leurs œuvres ou leurs actions. Cujas aurait ainsi pu être statufié à Cahors, où il enseigna brièvement, mais surtout à Valence, où il fut deux fois professeur, et encore plus à Bourges — ville alors importante avec son bailliage, sa prévôté, son bureau ecclésiastique et son université, créée par Louis XI — où il exerça aussi deux professorats, pour une durée totale d’environ vingt-deux ans. Cependant, aucune de ces villes ne possède sa statue. La capitale du Berry songea bien à lui en ériger une, comme le signalèrent la Revue générale de l’architecture et des travaux publics en 1844 et le journal L’Artiste en 1845. En 1848, le projet courait toujours puisque, dans L’Histoire à l’audience, Oscar Pinard écrivit : « Pendant que Paris lésine pour ses monuments, Bourges fait une quête à l’effet d’élever une statue à Cujas », avant de préciser que le curé de la ville, le président de la cour royale et le bâtonnier des avocats, M. Michel — à savoir le célèbre Michel de Bourges connu pour ses convictions républicaines et ses amours avec la dame de Nohant — appartenaient au comité de souscription formé pour la circonstance. Mais la statue berruyère de Cujas fait partie de ces statues mort-nées, faute d’argent. Les projets de statues se multipliaient sous la monarchie de Juillet, les comités de souscription sollicitaient les municipalités et les conseils généraux à travers tout le territoire national pour obtenir des subventions ; les demandes se faisant de plus en plus nombreuses, les refus étaient de plus en plus fréquents. Il fallait déployer beaucoup d’énergie et démontrer avec une grande conviction que la statue projetée était indispensable à la grandeur de la ville, voire à celle de la France… Certains noms s’y prêtaient plus que d’autres. La mémoire du grand représentant de l’humanisme juridique ne réussit pas à desserrer les cordons des bourses berruyères, berrichonnes et françaises. En outre, les villes et les départements étaient plus ou moins réceptifs au mouvement de statufication des grands hommes et le Cher ne se montra pas avant-gardiste. Bourges ne célébra aucun grand homme avant 1869, avec les bustes du célèbre prédicateur Bourdaloue et du physicien Sigaud de Lafond. Après l’échec des années 1840, le projet Cujas ne fut, semble-t-il, pas relancé ultérieurement et quand la ville se dota, tardivement, de statues, ce fut pour recevoir celles de Jacques Cœur (1879) et de Louis XI (1886).

Bordeaux

Bien que Cujas n’ait jamais enseigné à Bordeaux, sa statue assise se trouve au pied de l’escalier d’honneur de la faculté de droit de cette ville. Grâce aux instances de la municipalité, cette faculté fut installée dans de nouveaux bâtiments achevés en 1874. Comme le précise Marc Malherbe dans son Histoire de la faculté de droit de Bordeaux, en 1878, le doyen Amédée Couraud, qui tenait beaucoup à ce que des statues vinssent y rappeler le souvenir de Cujas et de Montesquieu, fit les démarches nécessaires après du Directeur de l’enseignement supérieur du ministère de l’Instruction publique, en reçut une réponse favorable, laquelle n’eut cependant pas d’effets immédiats. Puis, en septembre 1879, il profita d’un voyage officiel de Jules Ferry à Bordeaux pour parler de ces effigies à celui qui était alors ministre de l’Instruction publique. Réalisée par le sculpteur Joseph Félon, celle de Cujas arriva à Bordeaux en mai 1881. Portant les mêmes vêtements et la même coiffure que sur la statue d’Achille Valois, Cujas est représenté assis dans un fauteuil curule — allusion probable au droit romain — sous lequel sont placés deux gros volumes et des rouleaux de papier. Tenant une plume avec trois doigts de sa main droite, selon l’usage, il semble réfléchir à ce qu’il va écrire sur le papier posé sur sa cuisse gauche.

Paris

Paris a consacré bien des statues à des grands hommes nés en dehors de ses murs, mais Cujas ne reçut pas cet honneur. Passe que la capitale ne lui eût pas élevé un monument comme ce fut le cas pour certains de ses contemporains (Michel de l’Hospital, Bernard Palissy…), mais son absence dans les deux grands programmes collectifs parisiens, ceux de l’hôtel de ville et de la cour Napoléon du Louvre peut légitimement étonner. Certes, la plupart des hommes dont les statues ornent les niches de l’hôtel de ville étaient nés à Paris, mais quelques-uns étaient originaires de la province, par exemple Buffon, Monge, Étienne Boileau, Jean-Nicolas Pache ; il est vrai qu’ils avaient exercé d’importantes fonctions ou accompli leur œuvre, au moins partiellement, dans la capitale où Cujas ne parut que brièvement. C’est également le cas d’autres illustres provinciaux dont les statues se trouvent dans la cour Napoléon, comme Jacques Amyot, Michel de l’Hospital, Ambroise Paré, Jean Goujon, Philibert Delorme, Bernard Palissy, etc. Mais Montaigne, lui aussi représenté dans cette cour, ne vécut que brièvement à Paris.

La capitale possède cependant une effigie de Cujas, un moulage (ou une réplique en plâtre) de la statue d’Achille Valois, installée au pied de l’escalier d’honneur de la faculté de droit. La date à laquelle cette effigie fut installée reste à préciser, mais elle est antérieure à 1892 puisque cette statue est signalée par Louis Rousselet dans son ouvrage Nos grandes écoles militaires et civiles édité à cette date ; elle y est reproduite sur une gravure. Si la signature A. Lemaistre est celle d’Auguste François Lemaistre, l’installation est antérieure à 1870, date de la mort de cet important graveur.

Avec une seule statue en place publique, Cujas appartient à la catégorie basse des grands hommes statufiés (hormis ceux qui ne furent représentés qu’en buste ou en relief). Il est désavantagé par son siècle, car les hommes illustres du xvie siècle sont moins représentés que ceux des siècles suivants ; mais Marguerite de Valois, Bernard Palissy, Étienne Dolet, Henri IV, Montaigne, Michel de l’Hospital, Rabelais, Michel Servet l’emportent sur lui. Il l’est également par son état, car avec au mieux une vingtaine de statues, les jurisconsultes arrivent très loin derrière les hommes politiques, les écrivains et les militaires. Il est, là encore, devancé par Michel de l’Hospital, statufié à Paris, à Riom et sur le palais de Justice de Bordeaux.

Jacqueline Lalouette, professeur émérite d’histoire contemporaine, université de Lille, membre honoraire de l’Institut universitaire de France.

~ Cet article se complète d’une communication au Collège de France à découvrir en vidéo ici ~


Indications bibliographiques

Chalande Jules, Histoire des rues de Toulouse: monuments, institutions, habitants. Cressé : Éditions des régionalismes, 2018.

Freeman Kirrily, Bronzes to bullets: Vichy and the destruction of French public statuary, 1941-1944. Stanford : Stanford University Press, 2009.

Lalouette Jacqueline, Bouyé Gabriel, Un peuple de statues : la célébration sculptée des grands hommes (France 1801-2018). Paris : Mare & Martin, 2018.

Malherbe Marc, La faculté de droit de Bordeaux: 1870-1970. Talence : Presses universitaires de Bordeaux, 1996.

Prévost Xavier, Jacques Cujas (1522-1590). Jurisconsulte humaniste. Droz : Genève, 2015.

Rousselet Louis, Nos grandes écoles militaires et civiles, 3e éd. Paris : Librairie Hachette et Cie, 1892.