Cujas et l’aire britannique

En 1586, David McGill, fils aîné du Lord Advocate (avocat du roi écossais), est admis au barreau du College of Justice (la cour civile suprême écossaise), après avoir suivi ses études de droit en France. C’était alors la pratique de nombreux avocats écossais (peut-être de la majorité d’entre eux). La preuve de ses études se retrouve dans le procès-verbal des admissions des avocats, dans les Books of Sederunt de la cour. Ce qui est assez exceptionnel, c’est que le diplôme de McGill ait survécu dans les archives de ses descendants, la famille de Dalrymple de Stair. Ce diplôme énonce que, le 21 juillet 1579, McGill, bachelier en droit civil, a été examiné par trois docteurs et professeurs de l’université de Bourges, qui l’ont promu au grade de licencié en droit civil. Parmi ces examinateurs figure le nom de Jacques Cujas, un homme qui était alors au sommet de sa notoriété, et qui a probablement été le premier à apposer sa signature sur le parchemin.

Cette anecdote concernant McGill est importante, car elle montre que pour les Britanniques, Cujas n’était pas simplement une présence intellectuelle, mais était connu comme un homme à part entière. C’est ainsi qu’un autre de ses élèves écossais, Alexander Scot, juriste et philologue, a publié les controverses de son maître et édité, en 1606, ses Œuvres complètes. Ceci témoigne bien de la popularité des études de droit en France pour les Écossais, et on en déduit que d’autres étudiants comme McGill et Scot ont eu l’occasion de rencontrer Cujas.

Pour les avocats écossais passant par Bourges, Cujas était la figure la plus importante de la ville. John Lauder de Fountainhall, étudiant de droit à Poitiers, a visité la ville en 1665 et la décrit alors comme l’endroit où enseigne le renommé Cujas. Cependant, il raconte aussi l’histoire peu plausible selon laquelle Cujas avait la réputation d’être un ivrogne et sa fille une prostituée. Si Lauder ajoute que l’université était célèbre pour d’autres illustres hommes savants tels que Hotman, Douaren et Vulteius, Cujas restait selon lui le plus important de l’université. D’ailleurs, Lauder possédait de nombreuses œuvres de Cujas.

S’il ne semble pas y avoir de recherches détaillées au sujet des étudiants anglais de droit en France à cette époque, leur présence est certaine, comme le prouve le cas d’Arthur Duck (1580-1648), qui affirme avoir suivi des enseignements en droit romain devant les chaires les plus distinguées de France, d’Italie et d’Allemagne. Difficile de croire qu’il fut le seul.

Cujas a donc eu des étudiants écossais et peut-être des étudiants anglais, mais son influence s’exerce en Grande-Bretagne tant par la disponibilité de ses œuvres dans les bibliothèques de l’île que par l’utilisation qui en est faite par les auteurs britanniques.

Les œuvres de Cujas dans les bibliothèques britanniques

Les livres de Cujas se trouvent dès le xvie siècle sur les étagères des érudits britanniques, et des exemplaires figurent encore dans les anciennes bibliothèques britanniques, comme dans celles des universités écossaises et anglaises et de quelques cathédrales anglaises, telles que Wells, Exeter et Canterbury. À titre d’exemple, en 1607, juste après le mort de Cujas, le poète écossais, William Drummond de Hawthornden, qui était étudiant de droit à Bourges, a constitué une importante collection de livres, dont il a donné la plus grande partie à l’université d’Édimbourg. Sa bibliothèque se composait principalement de livres de littérature, mais on y trouve un petit nombre de livres de droit de tendance humaniste (dont certains achetés à Bourges), parmi lesquelles des œuvres de Cujas.

On trouve aussi des livres de Cujas dans les bibliothèques britanniques plus modernes. C’est probablement le résultat de l’acquisition récente d’une bibliothèque privé, plutôt que d’une volonté de posséder ces œuvres en particulier. Ainsi, on trouve des exemplaires des livres de Cujas dans les bibliothèques de New Hailes et Alva acquises par la Bibliothèque nationale écossaise après sa création en 1925.

Il faut aussi noter que quelques livres de Cujas ont sans doute été achetés non tant pour leur contenu que comme livres de valeur provenant d’une imprimerie d’importance. Par exemple, le coffret des livres de Cujas à Bickling Hall, à Norfolk, a été acquis par le bibliophile Sir Richard Ellys, car les volumes ont été imprimés par le célèbre imprimeur parisien Robert Estienne. Quelques-uns de ces volumes ont été acquis au xviiie siècle et proviennent de la bibliothèque du bibliophile français Jean Bouhier.

Cependant, la plupart des livres de Cujas trouvés dans les bibliothèques britanniques ont sans doute été acquis pour leur importance intellectuelle, puisque les collections attestent de l’utilisation de Cujas en Grande-Bretagne. Le premier catalogue de la bibliothèque des avocats à Édimbourg, qui date de 1683, liste : (1) les Opera omnia de Cujas de 1658, en 10 volumes, par Fabrot, donné par Sir George Mackenzie, doyen de la faculté des avocats, avocat du roi, et licencié de Bourges ; (2) les Opera omnia de 1606 par Scot, donné par William Fletcher de Cranston ; (3) les Recitationes solemnes de 1596, imprimées à Francfort, donnés par Alexander Dunlop, un autre avocat. En 1692, la bibliothèque des avocats, afin de compléter la collection, reçoit en don le soixantième livre des Basilica dans l’édition de Hanovre de 1606.

Bien qu’il soit impossible d’en être certain en l’absence d’autres recherches, la collection de la faculté des avocats semble pouvoir être considérée comme représentative pour la Grande-Bretagne de l’époque. Des recherches dans les catalogues électroniques des bibliothèques britanniques révèlent la présence de nombreux exemplaires d’éditions variées des Œuvres complètes de Cujas. On trouve aussi des exemplaires de ses Paratitles du Digeste et du Code justinien, de son édition du Code théodosien, de ses Observationes et de ses Recitationes, ce qui suggère leur popularité. Ceci n’est toutefois qu’une mesure rudimentaire, puisque la date d’acquisition par les bibliothèques est souvent incertaine.

L’acquisition des livres de Cujas par les Écossais se comprend assez facilement. Les avocats d’Édimbourg étaient normalement admis au barreau après une démonstration de connaissance détaillée du droit romain. C’est pourquoi, depuis le Moyen Âge, les ouvrages de droit romain peuplent les bibliothèques écossaises. De même, en Angleterre, les universités d’Oxford et de Cambridge enseignaient le droit romain. La détention d’un doctorat en droit était nécessaire pour l’admission comme avocat auprès des cours de juridictions anglaises qui utilisaient le droit romain, c’est-à-dire les juridictions d’amirauté, les juridictions ecclésiastiques et les cours de civil law. Ceci explique le nombre d’œuvres de Cujas que l’on trouve dans les bibliothèques des universités et de leurs collèges, ainsi que dans les bibliothèques des cathédrales. Arthur Duck, dans une étude à orientation historique (qui est son plus important livre), le De usu et authoritate juris civilis Romanorum in dominiiis principum Christianorum libri duo, fait l’éloge des universités françaises, notamment car elles requièrent l’obtention d’un diplôme en droit civil pour devenir avocat. Il en allait alors de même en Angleterre pour l’admission aux Doctors’ Commons, le collège de praticiens des cours anglaises de civil law.

Les universités de Cambridge et d’Oxford étaient aussi des centres de grande importance pour les études de latin et de grec. Il est donc probable que quelques œuvres de Cujas aient été acquises pour l’étude de l’histoire des institutions antiques, comme le laisse penser l’éloge du travail de Cujas fait dans son Historia augusta par le huguenot Isaac Casaubon, érudit renommé exilé en Angleterre.

L’influence de Cujas sur les auteurs britanniques

C’est vers la fin du xvie siècle que l’on commence à remarquer l’impact direct du travail de Cujas sur la pensée britannique. Bien que les styles de référence de l’époque rendent souvent difficile l’identification précise des citations, le travail de Cujas sur le droit féodal et son édition des Libri feudorum sont alors utilisés par beaucoup d’auteurs britanniques. L’Écossais Sir John Skene (1549-1617), dans son livre De verborum significatione, le mobilise pour comprendre le mot breve et la disclamation d’un supérieur féodal. De même, Duck le cite dans le chapitre consacré au droit féodal dans son livre De usu et authoritate juris civilis Romanorum. Thomas Craig (1538-1608), un avocat écossais formé en France, examine avec soin la pensée de Cujas concernant l’origine de la féodalité, dans son important ouvrage intitulé Jus civile. Dans cette étude rédigée vers 1600, Craig s’interroge sur l’opinion de Cujas concernant l’origine et la nature des fiefs. Cette question agite alors l’Angleterre, où l’on débat de politique et d’histoire en termes de droit féodal. Il n’est donc pas surprenant que le Glossarium Archaiologicum de Sir Henry Spelman (1562-1641) commence son exposé en citant la définition du fief par Cujas. J. G. A. Pocock prétend même que les Anglais ont développé leur compréhension de la féodalité sur les lectures d’écrivains écossais et français, parmi lesquels Cujas. Il n’en reste pas moins que certaines idées de Cujas sur le droit féodal étaient assez controversées. Il est possible que ce soit pour cette raison que John Cowell (1554-1611), professeur à Cambridge, cite Hotman, mais pas Cujas, en discutant le droit féodal dans ses Institutiones iuris anglicani (1605) et son Interpreter (1607), bien que ce dernier ressemble beaucoup au De verborum significatione de Skene.

La pensée de Cujas exerçait aussi une influence sur d’autres sujets. Craig a, par exemple, utilisé ses œuvres dans un travail sur le droit de succession au trône anglais. Sir Robert Spottiswoode (1596-1646), un autre écossais formé au droit en France, cite souvent l’érudit français. Spottiswoode, dans ses Practicks, publiées à titre posthume, fait quant à lui référence à ses Paratitles du Digeste et à ses Observationes et emendationes, au sujet des fiefs, mais aussi du fisc, de la juridiction, des pactes, de la prescription et de l’usucapion ou encore des tuteurs et curateurs.

L’Anglais Duck, contemporain de Spottiswoode, a mobilisé diverses études de Cujas dans son livre De usu et auctoritate juris civilis romanorum. Son passage en Europe continentale l’a amené sans doute à consulter les livres de plusieurs juristes humanistes. Son œuvre traite de l’histoire du droit romain, en distinguant la période pré-justinienne, les compilations de Justinien et le droit romain post-justinien. Après des chapitres sur le droit féodal, le droit canonique, et l’interprétation et opinions des docteurs, il conclut son premier livre en discutant l’autorité des judicatures. Le deuxième livre commence avec un récit sur les territoires de l’empereur romain, puis consacre quelques chapitres à l’usage et à l’autorité du droit romain sur les territoires de l’empereur d’Allemagne, ceux des princes d’Italie, ceux des royaumes de Naples et de Sicile, de France, d’Espagne, de Portugal, d’Angleterre, d’Irlande, d’Écosse, de Pologne, de Hongrie, du Danemark, de Suède et de Bohême. L’ouvrage s’achève par une adresse au lecteur, absente de la traduction française de 1689. Au regard de ses intérêts, il n’est pas étonnant que Duck, dans son premier livre, cite l’édition du Code théodosien par Cujas, les Paratitles du Digeste, des Observationes et emendationes et d’autres œuvres de l’auteur français dans ses chapitres sur l’histoire. Il va même jusqu’à citer la description des Observationes par de Thou comme « opus divinum » [œuvre divine], et il conclut son éloge de l’étude du droit romain en France en notant que, parmi tous les juristes du siècle précédent, Cujas était surnommé « le prince des juristes », que l’étude du droit lui sera pour toujours redevable, et que le monde n’avait jamais connu un juriste si distingué et si savant. Quel éloge !

On retrouve Cujas, dans une bien moindre mesure, chez Richard Zouche (1590-1661), un autre civiliste anglais renommé, notamment dans le champ du droit international. Écrivain enthousiaste, il a produit une série de travaux variés, relativement élémentaires. En général ses travaux ne citent que des sources primaires, sans s’occuper des sources secondaires et sophistiquées, telles les œuvres de Cujas. Cependant, Zouche a aussi publié des études de casus et de quaestiones en droit romain, lesquelles étaient alors une pratique commune dans les universités pour interpréter et comprendre les textes. Zouche a préparé un travail en anglais en 1652, et un autre en latin l’année suivante, intitulé Specimen quaestionum iuris civilis. Ce dernier énumère des quaestiones non résolues, mais y ajoute des listes d’ouvrages nécessaires à leur résolution. Il cite quelques juristes du Moyen Âge, comme Bartole, et d’autres qu’il qualifie de « recentiores », parmi lesquels Doneau, Hotman, Bronchorst et Hunnius, mais il ne cite pas Cujas. En définitive, Zouche ne cite Cujas (aux côtés de nombreux autres juristes, dont des auteurs plus modernes comme Vinnius) que dans son Quaestionum juris civilis centuria in decem classes distributa, où il discute en détail certaines controverses.

Au milieu du xviie siècle, Cujas était en effet un écrivain et penseur assez connu et régulièrement cité en Grande-Bretagne. Quelques Britanniques de la génération précédente avaient suivi leurs études avec le maître ; d’autres de la génération actuelle, tel Sir George Mackenzie, étudiaient à Bourges où le souvenir de Cujas restait très présent. Toutefois, il est plus probable que les Britanniques étaient alors conscients de sa pensée et de sa renommée grâce à ses livres, abondamment distribués par un commerce européen très efficace, notamment pour la distribution de ses Œuvres complètes. On retrouve dès lors beaucoup d’allusions et de références à Cujas chez les auteurs de cette époque. Robert Wiseman (1613-1684), célèbre civiliste anglais, cite Cujas dans son Lawe of Lawes (1656). Il précise même qu’il possède ses Opera omnia dans l’édition de Paris de 1637 et ses éditions du Codex Theodosianus de 1566 et des Institutes de 1659. En Écosse, le vicomte Stair (1619-1695), dans ses Institutions de 1681, cite Cujas sur la question du risque dans le contrat de vente et concernant la nature de la féodalité. Sir George Mackenzie, dans son livre sur le droit criminel, cite les Paratitles du Code et du Digeste. C’est peut-être ce même Mackenzie, formé à Bourges, qui a suggéré la référence à Cujas dans les Defences imprimés pour le Marquis d’Argyll, puisque le jeune Mackenzie était l’un de ses avocats lors du procès pour trahison du marquis devant le parlement écossais en 1661. On trouve aussi les œuvres de Cujas citées dans la jurisprudence écossaise pendant la deuxième moitié du xviie siècle.

À la fin de ce même siècle, au moment de la fondation de la bibliothèque des avocats à Édimbourg en 1680, il devenait assez rare qu’un Écossais suive ses études de droit en France. Il était alors plus normal pour eux d’aller étudier aux Pays‑Bas. Cependant, ce changement de pratique n’a pas atténué l’intérêt pour la pensée de Cujas. Il l’a même peut-être revigoré, puisque cette époque constitue l’apogée de l’école élégante de droit romain en Hollande, qui se considérait comme héritière des leçons des humanistes français du xvie siècle. L’humanisme juridique influençait même les juristes qui ne s’intéressaient pas aux approches historiques ou philologiques du droit. On en veut pour preuve que l’on retrouve dans les bibliothèques des avocats écossais les œuvres des célèbres érudits humanistes Budé et Alciat, des exemplaires précieux de l’édition du Codex Florentinus imprimés par les Torelli en 1553 et, bien sûr, les livres de Cujas. Il semble improbable que les hommes qui collectionnaient ces volumes avaient le désir de poursuivre des études sophistiquées sur ces textes. On peut évoquer Charles Areskine of Tinwald (1680-1763), certes professeur royal de droit public et de droit de la nature et des gens à l’université d’Édimbourg, mais bien plus avocat qu’enseignant et chercheur. Il possédait plusieurs œuvres de Cujas, y compris deux exemplaires différents de ses Opera omnia. Alexander Bayne (1675-1737), professeur de droit écossais à Édimbourg était quant à lui détenteur des Opera omnia de Cujas dans l’édition lyonnaise de 1614. L’énorme bibliothèque d’Alexander Fletcher de Saltoun contenait plusieurs œuvres de Cujas. Ces collections montrent bien les valeurs et les aspirations des collectionneurs, ainsi qu’une tendance à s’identifier à l’érudition humaniste et élégante.

Il semble que l’intérêt britannique pour Cujas ait diminué au cours du xviiie siècle, même si de plus amples recherches sont nécessaires pour en être certain. Les nouvelles éditions italiennes ne paraissent pas avoir été acquises en Grande-Bretagne au cours de ce siècle (même si on les trouve au siècle suivant). Il semble aussi que les livres de Cujas disparaissent des catalogues des libraires et des ventes aux enchères (même si une recherche détaillée sur ce point n’a pas été possible). Peut‑être que ses apports avaient fini par être incorporés dans le discours des juristes, ou peut-être que les intérêts de ces derniers avaient changé. Certes le civiliste anglais Thomas Wood cite Cujas en 1704 au sujet de la prescription, mais il est rare de trouver d’autres citations pour l’Angleterre du xviiie siècle. Les Écossais, eux, continuent de le mobiliser. On trouve par exemple des références au sujet du droit féodal dans les Institutes de droit écossais de John Erskine, œuvre posthume de 1773. Cujas continue également d’être cité dans la jurisprudence écossaise. En 1712, on s’appuie sur une de ses corrections d’un texte du Digeste ; et ses opinions sur le risque continuent de susciter l’intérêt. Il est clair que les avocats écossais se réfèrent toujours aux Obervationes et emendationes, et que le nom de Cujas reste connu grâce à la popularité de l’édition de Van Leeuwen du Corpus iuris civilis.

En 1807, Alexander Fraser Tytler, juge écossais, fait cette intéressante remarque : « De nos jours, on considère les citations d’Accurse, Bartole, Alciat, Cujas, Zasius, etc., par les juges ou les avocats, comme le signe qu’ils sont tatillons, bien qu’autrefois ces noms étaient sans cesse dans les bouches des juges et des avocats ». Il est probable que Fraser Tytler avait raison en ce qui concerne les cours ; mais Cujas avait déjà commencé à avoir une nouvelle vie en Écosse, tout comme, peu après, en Angleterre. Ce renouveau n’est pas simplement dû à l’école historique allemande de Hugo et Savigny, qui affirme, consciente de son image, que Cujas était l’un de ses prédécesseurs. Dans les années 1790, avant même que l’école allemande soit influente en Grande-Bretagne, John Wilde, professeur de droit romain à l’université d’Édimbourg, enseignait dans ses classes que l’étude du droit romain était sur le déclin. Il pensait que la cause de ce problème était l’essor du droit naturel et réaffirmait la nécessité d’une vraie enquête sur l’histoire du droit. Il insistait sur l’importance des humanistes, en particulier de Cujas, qu’il identifiait comme le plus grand juriste de l’époque moderne. Il considérait que les humanistes liaient le droit avec l’histoire et la raison ; non la raison abstraite du droit naturel, mais la ratio juris.

Au cours du xixe siècle, et malgré l’opinion de Fraser Tytler, les avocats écossais continuent de citer Cujas de temps à autre, notamment dans des affaires relatives au droit de propriété, au risque dans la vente, à la récompense, aux droits de pêche, ou encore au mariage.

L’influence de l’école historique allemande a eu pour effet d’entretenir la réputation du nom de Cujas en Angleterre et en Écosse. On trouve même au début du xxe siècle (en 1911 précisément), un juge écossais allant jusqu’à prétendre qu’une opinion de Cujas est irréfutable. D’ailleurs, toujours en Écosse, Cujas est encore évoqué dans une jurisprudence de 1995. La référence figure dans une citation d’un procès de 1733 concernant la condictio indebiti. Dans le droit écossais non codifié, lorsqu’il est nécessaire d’interpréter un texte de droit romain, il pourrait être possible aujourd’hui encore de citer Cujas, mais cela demeure néanmoins peu probable.

John W. Cairns, professeur de droit civil, université d’Édimbourg.

~ Cet article se complète d’une communication au Collège de France à découvrir en vidéo ici ~


Indications bibliographiques

Baker John Hamilton, Introduction to English Legal History. Oxford : Oxford University Press, 2019.

Cairns John W., « Historical Introduction », dans K. G. C. Reid, Reinhard Zimmermann (dir.), A History of Scots Private Law. Oxford : Oxford University Press, 2000, p. 14‑184.

Coquillette Daniel R., The civilian writers of Doctors’ Commons, London: three centuries of juristic innovation in comparative, commercial, and international law. Berlin : Duncker & Humblot, 1988.

Prévost Xavier, Jacques Cujas (1522-1590). Jurisconsulte humaniste. Droz : Genève, 2015.

Thireau Jean-Louis, « Professeurs et étudiants étrangers dans les Facultés de droit françaises (xviexviie siècles) », dans Revue d’histoire des facultés de droit et de la culture juridique, du monde des juristes et du livre juridique, no 13, 1992, p. 43‑73.

Tucker Marie-Claude, Maîtres et étudiants écossais : à la Faculté de droit de l’Université de Bourges. Paris : H. Champion, 2001.