Né à Toulouse et mort à Bourges, Jacques Cujas a aussi vécu et enseigné à Cahors, Valence et Turin, ou encore pratiqué le droit à Grenoble et Paris. Cette galerie montre la présence de Cujas dans ces villes et le souvenir qui en a été construit depuis cinq cents ans. Quelle importance Cujas y revêt-il de son vivant ? Quel est le positionnement des municipalités et de leurs universités au fil du temps ? Et quels en sont les effets sur la figure de Cujas ?
- Au xvie siècle, le recrutement de Cujas constitue pour une ville un marqueur d’importance et un facteur de rayonnement. De nombreuses villes se disputent alors le prestige du « grand juriste » capable d’attirer à elles une foule d’étudiants. Le témoignage s’en retrouve dans certaines dédicaces de ses œuvres et dans des documents conservés au sein des archives municipales et départementales, dont on trouvera des exemples ci-dessous.
- Après sa mort et jusqu’à la fin de l’époque moderne, un voile d’oubli tend à tomber sur Cujas dans les localités qui l’ont vu passer. On trouve peu de traces de lui à Valence, Cahors, Grenoble ou Turin. Le récit de Pierre‑Daniel Huet (1630‑1721) montre bien que si la municipalité de Bourges fait peindre un tableau pour le placer sur sa tombe, cette attention n’est qu’éphémère et souligne plutôt la tendance générale à l’effacement. Toulouse, ville dont l’université a laissé échapper l’humaniste, est paradoxalement celle qui entretient le plus son souvenir. Elle passe les xviie et xviiie siècles à tenter de se justifier de la perte de celui qu’elle considère comme un « grand Toulousain », ainsi que l’illustrent certains documents de cette galerie.
- Au xixe siècle, l’écriture des histoires locales ancre à nouveau Cujas dans les lieux de sa carrière. Parente du nationalisme, l’attention à la « petite patrie » conduit à écrire son histoire à travers celle de ses « grands hommes ». On observe alors un intérêt renouvelé des historiens pour Cujas qui intègre ce récit à la fois local et national, destiné à glorifier la petite et la grande patrie. De nombreux érudits publient des histoires de leur région, de leur ville, de leur université, dans lesquelles Cujas est mis à l’honneur et érigé en gloire locale. C’est le cas dans les différents textes présentés ci-dessous, de Cahors au Berry, de Valence à Turin.
- L’intérêt pour l’histoire locale conduit également les villes à revendiquer la figure de Cujas au cours du xixe siècle. Le jurisconsulte humaniste se voit doter de rues et d’une place à son nom : les plaques présentées ci‑dessous témoignent, encore aujourd’hui, de la présence quotidienne de Cujas dans les villes de sa carrière (et même au‑delà). À Toulouse, la municipalité va plus loin, puisqu’elle fait sculpter un buste pour sa salle des Illustres et lui érige une statue en place publique au destin compliqué.
- Le regain d’intérêt pour Cujas au : xixe siècle se retrouve aussi dans certaines juridictions locales, qui font de l’humaniste une de leurs figures tutélaires. Un buste est placé au palais de justice de Grenoble, un portrait au plafond de la cour d’assises de Cahors ; les discours de rentrée du barreau reviennent sur l’héritage local et contribuent à entretenir la figure du « grand juriste ». Les documents présentés ci-dessous permettent d’ailleurs de mesurer le contraste avec le silence de la plupart des universités locales à la même époque, lesquelles ne revendiquent pas encore au xixe siècle le prestige de leur ancien professeur.
- Après la Révolution française, Toulouse continue de se distinguer des autres municipalités liées à Cujas. L’« affaire de Toulouse », à savoir le non recrutement de Cujas par l’université de sa ville natale, rebondit au xixe siècle à travers de nouvelles publications. La ville tente d’y répondre afin de clore la discussion. C’est sans doute l’une des raisons pour lesquelles Toulouse est alors la seule localité où la figure de Cujas est directement revendiquée par l’université, comme le montrent les textes ci-dessous. Lors de la réouverture de l’école de droit en 1807, le directeur Alexandre-Auguste Jamme (1736‑1818) fait de la question de Cujas un incontournable de son discours ; l’Académie de législation instaure en 1855 une Fête de Cujas, moment de célébration, mais aussi de production scientifique et de retour sur l’œuvre du jurisconsulte. En 1922, le quatrième centenaire de la naissance de Cujas à Toulouse est encore l’occasion de célébrer cette figure revendiquée.
- Il faut attendre les xxe et xxie siècles siècles pour voir les universités des autres villes où Cujas a enseigné revendiquer la figure de l’humaniste. Cette réappropriation patrimoniale cherchent à faire de ces universités des héritières de son enseignement, essentiellement par l’attribution de son nom à des amphithéâtres, que l’on peut ici apercevoir à travers quelques photos.