Né à Toulouse et mort à Bourges, Jacques Cujas a aussi vécu et enseigné à Cahors, Valence et Turin, ou encore pratiqué le droit à Grenoble et Paris. Cette galerie montre la présence de Cujas dans ces villes et le souvenir qui en a été construit depuis cinq cents ans. Quelle importance Cujas y revêt-il de son vivant ? Quel est le positionnement des municipalités et de leurs universités au fil du temps ? Et quels en sont les effets sur la figure de Cujas ?
- Au xvie siècle, le recrutement de Cujas constitue pour une ville un marqueur d’importance et un facteur de rayonnement. De nombreuses villes se disputent alors le prestige du « grand juriste » capable d’attirer à elles une foule d’étudiants. Le témoignage s’en retrouve dans certaines dédicaces de ses œuvres et dans des documents conservés au sein des archives municipales et départementales, dont on trouvera des exemples ci-dessous.
Jacques Cujas, Johann Gymnich (ed.), « Éloge de Marguerite de Valois, Duchesse de Savoie », dans Jacobi Cujacii... Commentarii Ad Tres Postremos Libros Codicis. Coloniae Agrippinae : Apud J. Gymnicum, 1578
BIU Cujas, 101.929-4Henry Jongleux, « Liasse 8 1572-1576. procès-verbaux de délibérations - grande cherté des vivres », dans Archives de la ville de Bourges avant 1790. Bourges : Imprimerie A. Jollet, H. Sire, Éditeur, Successeur, 1877
Bibliothèque de l'université d'OttawaDocument numérisé consultable ici
Abbé Nadal, Délibération consulaire suite à la demande de Congés de Jacques Cujas dans Histoire de l'université de Valence et des autres établissements d'instruction de cette ville depuis leu fondation jusqu'à nos jours, suivie de nombreuses pièces justificatives. Valence : Imprimerie E. Marc Aurel, Éditeur, imprimeur de l'empereur, 1861
University of Michigan LibraryDocument numérisé consultable ici
- Après sa mort et jusqu’à la fin de l’époque moderne, un voile d’oubli tend à tomber sur Cujas dans les localités qui l’ont vu passer. On trouve peu de traces de lui à Valence, Cahors, Grenoble ou Turin. Le récit de Pierre‑Daniel Huet (1630‑1721) montre bien que si la municipalité de Bourges fait peindre un tableau pour le placer sur sa tombe, cette attention n’est qu’éphémère et souligne plutôt la tendance générale à l’effacement. Toulouse, ville dont l’université a laissé échapper l’humaniste, est paradoxalement celle qui entretient le plus son souvenir. Elle passe les xviie et xviiie siècles à tenter de se justifier de la perte de celui qu’elle considère comme un « grand Toulousain », ainsi que l’illustrent certains documents de cette galerie.
Gaspard Thaumas de la Thaumassière, Histoire De Berry. Bourges : F. Toubeau, 1689, p.66
BIU Cujas, 1.191Document numérisé consultable ici
Abbé Héliot, « Mémoires de l'Académie royale des sciences, inscriptions et belles lettres de Tououse. Réfutation du préjugé littéraire, qui impute à l'Université de Toulouse d'avoir donné à Forcadel la préférence sur Cujas dans la nomination à une Chaire de Droit Civil », dans Histoire et mémoires de l'Académie royale des sciences, inscriptions et belles-lettres de Toulouse. Toulouse : De l'imprimerie de D. Desclassan, 1782
Académie des Sciences Inscriptions Belles-Lettres de Toulouse, 2008-246160Document numérisé consultable ici
Gaspard Thaumas de la Thaumassière, Histoire De Berry. Bourges : F. Toubeau, 1689, p.67
BIU Cujas, 1.191Document numérisé consultable ici
Pierre-Daniel Huet, Huetiana ou Pensées diverses de M. Huet, Evesque d'Avranches. Paris : Chez Jacques Estiennes, 1722, p.44
Bibliothèque nationale de France, Z-18216Document numérisé consultable ici
Pierre-Daniel Huet, Huetiana ou Pensées diverses de M. Huet, Evesque d'Avranches. Paris : Chez Jacques Estiennes, 1722, p.45
Bibliothèque nationale de France, Z-18216Document numérisé consultable ici
- Au xixe siècle, l’écriture des histoires locales ancre à nouveau Cujas dans les lieux de sa carrière. Parente du nationalisme, l’attention à la « petite patrie » conduit à écrire son histoire à travers celle de ses « grands hommes ». On observe alors un intérêt renouvelé des historiens pour Cujas qui intègre ce récit à la fois local et national, destiné à glorifier la petite et la grande patrie. De nombreux érudits publient des histoires de leur région, de leur ville, de leur université, dans lesquelles Cujas est mis à l’honneur et érigé en gloire locale. C’est le cas dans les différents textes présentés ci-dessous, de Cahors au Berry, de Valence à Turin.
Louis-Hector Chaudru de Raynal, Histoire du Berry. Bourges : Librairie de Vermeil, Éditeur, 1845
BIU Cujas, 29.924,4Document numérisé consultable ici
Tommaso Vallauri, Storia Delle Università Degli Studi Del Piemonte. Torino : s.n., 1845, p.10
BIU Cujas, 33.631,2Document numérisé consultable ici
Joseph-Cyprien Nadal, Histoire de l’université de Valence et des autres établissements d’instruction de cette ville depuis leur fondation jusqu’à nos jours, suivie de nombreuses pièces justificatives. Valence : Impr. E. Maurc Aurel, 1861
University of Toronto, LF2394.N24Document numérisé consultable ici
Tommaso Vallauri, Storia Delle Università Degli Studi Del Piemonte. Torino : s.n., 1845, p.11
BIU Cujas, 33.631,2Document numérisé consultable ici
Joseph-Cyprien Nadal, Histoire de l’université de Valence et des autres établissements d’instruction de cette ville depuis leur fondation jusqu’à nos jours, suivie de nombreuses pièces justificatives. Valence : Impr. E. Maurc Aurel, 1861
University of Toronto, LF2394.N24Document numérisé consultable ici
- L’intérêt pour l’histoire locale conduit également les villes à revendiquer la figure de Cujas au cours du xixe siècle. Le jurisconsulte humaniste se voit doter de rues et d’une place à son nom : les plaques présentées ci‑dessous témoignent, encore aujourd’hui, de la présence quotidienne de Cujas dans les villes de sa carrière (et même au‑delà). À Toulouse, la municipalité va plus loin, puisqu’elle fait sculpter un buste pour sa salle des Illustres et lui érige une statue en place publique au destin compliqué.
Inauguration de la statue de Cujas place du Salin à Toulouse, dans Journal de Toulouse : politique et littéraire, 9 décembre 1850
Bibliothèque municipale de Toulouse, P 018Document numérisé consultable ici
Plaque de la rue Cujas à Toulouse (31) / Guilhem Trilles
Bourges : Cour de l'hôtel Cujas d’après une aquarelle d'Eugène Bourgeois
Les sites de France, Marque L-ECarte postale
BIU Cujas
Toulouse – Statue de Cujas par Achille Valois, Place du Salin jusqu'en 1942.
Édition Jeanne d'Arc, s.d.Carte postale noir et blanc
BIU Cujas
Statue Cujas dans l’atelier de la fabrique Giscard, avec les ouvriers (fin xixe-deb xxe)
Fabrique Giscard, Mairie de Toulouse, Archives municipales, 46Fi922Document numérisé consultable ici
Bourges : Place Cujas
Carte postaleBIU Cujas
Bourges : Le Musée du Berry - Hôtel Cujas
Carte postaleBIU Cujas
Toulouse – Statue de Cujas par Achille Valois, Place du Salin jusqu'en 1942.
LL, s.d.Carte postale noir et blanc
BIU Cujas
Plaque de la rue Cujas à Toulouse (31) / Guilhem Trilles
Bourges, plaques de signalétique sur la place Cujas / Xavier Prévost
Plaque de la rue Cujas à Valence (26)
Toulouse – Statue de Cujas par Achille Valois, Place du Salin jusqu'en 1942.
Édition spéciale "Au capitole" - Circulée en 191Carte postale noir et blanc
BIU Cujas
Statue Cujas dans l’atelier de la fabrique Giscard (c1960)
Fabrique Giscard, Mairie de Toulouse Archives municipales, 46Fi1649Document numérisé consultable ici
Bourges : École des beaux-arts et Place Cujas
E. Maquaire éditeur - Circulée en 1938Carte postale
BIU Cujas
Plaque de la rue Cujas à Oloron-Sainte-Marie (64) / Charly Grivel
- Le regain d’intérêt pour Cujas au : xixe siècle se retrouve aussi dans certaines juridictions locales, qui font de l’humaniste une de leurs figures tutélaires. Un buste est placé au palais de justice de Grenoble, un portrait au plafond de la cour d’assises de Cahors ; les discours de rentrée du barreau reviennent sur l’héritage local et contribuent à entretenir la figure du « grand juriste ». Les documents présentés ci-dessous permettent d’ailleurs de mesurer le contraste avec le silence de la plupart des universités locales à la même époque, lesquelles ne revendiquent pas encore au xixe siècle le prestige de leur ancien professeur.
Auguste-François Perrodin, [Jacques Cujas], xixe siècle, dans Étienne Madranges, Les Palais De Justice De France Architecture, Symboles, Mobilier, Beautés Et Curiosités. Paris : LexisNexis, 2011
Plafond de la cour d’assises de CahorsBIU Cujas, 215.994
Louis-Hector Chaudru de Raynal, De l'Enseignement du droit dans l'ancienne Université de Bourges. Discours prononcé pour la rentrée de la Cour royale de la même ville, le 4 novembre 1839. Bourges : impr. de Jollet-Souchois, 1839
Bibliothèque nationale de France, 8-F PIECE‑2429Document numérisé consultable ici
Paul Loiseau-Rousseau, Jacques Cujas, 1895
Palais de Justice de GrenobleCrédit photographique : Service photographique interne du Palais de Justice de Grenoble
- Après la Révolution française, Toulouse continue de se distinguer des autres municipalités liées à Cujas. L’« affaire de Toulouse », à savoir le non recrutement de Cujas par l’université de sa ville natale, rebondit au xixe siècle à travers de nouvelles publications. La ville tente d’y répondre afin de clore la discussion. C’est sans doute l’une des raisons pour lesquelles Toulouse est alors la seule localité où la figure de Cujas est directement revendiquée par l’université, comme le montrent les textes ci-dessous. Lors de la réouverture de l’école de droit en 1807, le directeur Alexandre-Auguste Jamme (1736‑1818) fait de la question de Cujas un incontournable de son discours ; l’Académie de législation instaure en 1855 une Fête de Cujas, moment de célébration, mais aussi de production scientifique et de retour sur l’œuvre du jurisconsulte. En 1922, le quatrième centenaire de la naissance de Cujas à Toulouse est encore l’occasion de célébrer cette figure revendiquée.
Alexandre-Auguste Jamme, Discours prononcé par M. Jamme, professeur-directeur de l’école spéciale de droit de Toulouse, le 2 novembre 1807, jour de la rentrée de l’école et de son inauguration dans le bâtiment de l’ancienne université. Toulouse : Impr. De M.-J. Dalles, 1900
BIU Cujas, 11.881-3 Document numérisé consultable iciRaymond-Osmin Benech, Cujas et Toulouse : ou Documents nouveaux constatant que Cujas n'a jamais échoué dans la dispute d'une régence de droit civil à l'Université de Toulouse, accompagnés d'aperçus historiques sur cette université. Toulouse : impr.de A. Dieulafoy, 1842
Bibliothèque universitaire de l'Arsenal, Toulouse 1, 18718/1Document numérisé consultable ici
M. Caze, Séance publique du 29 juillet 1855 pour l’inauguration de la fête de Cujas, Extrait du Recueil de l’Académie de Législation. Toulouse : Typographie de Bonnal et Gibrac, 1855
BIU CujasDocument numérisé consultable ici
Le quatrième centenaire de Cujas : Discours de M. Declareuil. Toulouse : Privat, 1923
BIU Cujas, 51.033-3Document numérisé consultable ici
- Il faut attendre les xxe et xxie siècles siècles pour voir les universités des autres villes où Cujas a enseigné revendiquer la figure de l’humaniste. Cette réappropriation patrimoniale cherchent à faire de ces universités des héritières de son enseignement, essentiellement par l’attribution de son nom à des amphithéâtres, que l’on peut ici apercevoir à travers quelques photos.