Littératures et culture populaire

Au-delà du droit, Cujas devient dès le xvie siècle un objet de littérature. En dehors des écrits juridiques, on peut identifier plusieurs usages de la figure cujacienne, qui se recoupent parfois ou se retrouvent au sein d’une même œuvre. À partir des études biographiques, on observe le développement de légendes, qui ont alimenté des publications parfois surprenantes au cours des cinq cents dernières années. En parallèle, dramaturges et poètes mobilisent aussi Cujas soit pour glorifier le « grand homme », soit simplement parce qu’ils ont besoin d’un juriste, voire pour se moquer du droit.

  • Les premières biographies influencent fortement tous les textes postérieurs, y compris littéraires. C’est en particulier le cas de celle de Jean-Papire Masson (1544‑1611), qui mêle célébration des qualités intellectuelles de l’humaniste et anecdotes sur l’homme. De ces textes émergent encore une fois la figure du « grand juriste », que célèbrent biographes et poètes de la mort de Cujas au xixe siècle, comme le montrent les documents ci‑dessous.
  • À travers les légendes qui se développent dès la fin du xvie siècle, figure d’élévation et figure triviale s’entrecroisent et se complètent. Les anecdotes à la véracité douteuse tendent à faire de Cujas un homme aux qualités exceptionnelles (à la sueur agréable et à la grande capacité de travail à plat ventre), tout en charriant une part de ridicule. D’autres légendes, en revanche, ne s’attardent que sur la satire. Elles concernent Suzanne, la fille de l’humaniste. Née vers 1587, Suzanne Cujas (†1648) se voit attribuée par les biographes de son père une réputation peu flatteuse. Sa vie affective, qu’ils affirment dissolue, et ses difficultés financières en font un sujet prompt à intéresser les lecteurs. Les auteurs moquent abondamment les rapport de la fille avec les étudiants de son père, qui auraient par son intermédiaire apprécié une nouvelle façon de « commenter les œuvres de Cujas ». La formule reflète plus une certaine vision de la femme et peut‑être une attaque indirecte du « grand juriste » qu’une quelconque réalité, mais elle persiste et connaît encore des dizaines d’occurrences au xixe siècle, comme l’illustrent les textes de cette galerie.
  • Une grande partie des écrits extra‑juridiques recourent à Cujas comme représentant du droit et des juristes. Il n’est alors pas question de célébrer un « grand juriste » : l’évocation sert uniquement parce que l’auteur a besoin de personnifier le droit. Les références ci‑dessous, tirées notamment d’œuvres de Victor Hugo (1802‑1885) et de Gustave Flaubert (1821‑1880), montrent que la diffusion de la figure de Cujas dans la société est suffisante pour que les auteurs considèrent qu’une simple mention de lui fera sens, y compris pour se moquer du droit par métonymie. Le jurisconsulte humaniste devient alors parfois le symbole d’un savoir juridique trop complexe et enfermé dans le passé.
  • Plus qu’un « grand juriste », certains écrits extra-juridiques font de Cujas un « grand homme ». Participant à la patrimonialisation de l’humaniste, cette tendance apparaît dès le xviiie siècle, mais connaît une version particulière dans la seconde moitié du xixe siècle avec le développement d’une littérature pédagogique, diffusée à des millions d’exemplaires avec le Tour de la France par deux enfants. Cujas intègre alors des ouvrages éducatifs à destinations des plus jeunes, voire des pièces de la culture populaire, présentés dans cette galerie.