Le Palais : Cujas et les cours de justice

Principalement connu en tant que philologue, Jacques Cujas est aussi un praticien du droit, bien que ses consultations ne constituent pas la partie la plus célèbre de son activité. En outre, dès le xvie siècle, les juristes s’emparent de l’ensemble de ses écrits pour les utiliser au Palais, marquant le début de la présence de Cujas dans les cours de justice. Cette présence demeure jusqu’à nos jours, mais elle a fortement évolué et recouvre de multiples usages. Cette galerie s’attache à exposer ces différents usages de la figure cujacienne et leur évolution au fil du temps et des espaces.

  • La figure d’autorité est effectivement celle du « grand juriste » dont il suffirait de mentionner le nom pour emporter l’argumentaire, comme l’illustrent les textes ci-dessous. Le « docte Cujas » est très utilisé de cette manière par les arrêtistes français jusqu’à la Révolution, mais aussi en Écosse, par exemple, où l’effet des renvois le fait apparaître une dernière fois à la fin du xxe siècle. Sous cette forme, le recours à Cujas devient par ailleurs tellement archétypal, qu’il fait même l’objet de moqueries dans la presse dès le xviiie siècle.
  • La figure de l’érudit, dont l’utilisation est inutile voire dangereuse, se développe en contrepoint à la figure d’autorité. Cujas est très savant mais détaché de la réalité ; les praticiens ne doivent pas s’appuyer sur lui, ses conclusions sont inapplicables et/ou inappliquées. Les documents présentés ci-dessous pour illustrer cette figure sont tous issus du paysage français, œuvres d’arrêtistes et conseils à l’usage des avocats.
  • La figure de l’auteur ressource est, malgré les réserves évoquées, la figure la plus présente avec celle d’autorité. Cujas est une ressource dans les œuvres duquel juges et avocats puisent les éléments pour appuyer leurs argumentaires. Cujas est très utilisé aux xviie et xviiie siècles, en France et ailleurs. Les travaux des arrêtistes, recueils et dictionnaires d’arrêts, témoignent pour la France de cette importance, en grande partie liée à la place du droit romain dans l’ordre juridique. Cela explique qu’à partir de la Révolution, les usages de Cujas déclinent en France, mais ils persistent, dans d’autres systèmes juridiques, jusqu’au début du xxe siècle. Les exemples de cette persistance présentés ci-dessous sont tirés du Canada et de la Louisiane, avec leurs liens particuliers à l’ordre juridique français, mais aussi de l’Écosse.
  • La figure tutélaire, fruit des figures précédentes, s’impose à partir de la seconde moitié du xixe siècle dans un mouvement de patrimonialisation du jurisconsulte humaniste. Cette évolution s’incarne dans des discours de rentrée de barreaux et dans la commande par les institutions de portraits et sculptures représentant Cujas. Les praticiens s’entourent ainsi de la figure du « grand juriste », mais à présent déconnectée de ses œuvres, comme le montrent les documents ci-dessous.